L’arrestation du teigneux secrétaire général du Cusems Authentique, Dame Mbodj, avait fini de donner une autre tournure à l’affaire Sweet Beauté. Qui est Dame Mbodj pour susciter un tel élan de la part des enseignants sénégalais ? Coup de projecteur sur le parcours de ce professeur d’anglais-syndicaliste, éternelle tête brûlée !
Il trimballe gaillardement, depuis quelques semaines, sur les plateaux télé, la prouesse d’avoir fait capituler l’avocat braillard, Me El hadji Diouf. En effet, invité de Noumbélane le 20 février 2021 sur Sen Tv, le virevoltant avocat de la plaignante (Adji Sarr) rend les armes face aux attaques répétées de l’enseignant-syndicaliste, Dame Mbodj qui a décidé, de manière ‘’désintéressée’’, d’enfiler la robe d’avocat pour la défense d’Ousmane Sonko. Ce dernier est, selon lui, victime d’un « complot et d’une combine politique » dans cette affaire estampillée ‘’privée’’ qui s’est avérée être un « gros mensonge d’Etat ».
« Adji Sarr a mal choisi ses avocats. Elle accuse Ousmane Sonko de viol avec des éléments fantaisistes et se fait défendre par un violeur, Me El Hadji Diouf ici présent qui a été condamné en France pour agression sexuelle. Le document est là ! Tu ne devrais pas être à l’aise dans ce dossier», charge Mbodj en brandissant la décision rendue, le 21 mars 2012, par le tribunal de Paris. Suffisant pour réduire le bouillant El Hadji Diouf au silence tout le long de l’émission.
De la même manière, il peut s’enorgueillir d’avoir fait capituler le régime dans sa stratégie de musellement et d’intimidation avec des arrestations tous azimuts. Et pour cause ! Arrêté samedi dernier avec Karim Xrum Xax et 19 autres personnes pour manifestation interdite et violation de l’arrêté préfectoral interdisant les manifestations, Dame Mbodj a réussi à radicaliser les enseignants, du moins une partie, portée par le G20, qui a observé une journée noire, ce lundi pour réclamer sa libération immédiate. Le rapport de force n’aura pas fait long feu puisque Mbodj et sa cohorte ont été libérés le même jour.
Une réputation de tête brûlée
Cette réputation de tête brûlée lui colle à la peau depuis les débuts de son cursus scolaire à Kébémer, et est devenu un trait de caractère. Le natif de Guéoul (Louga) se distingue comme meneur de grève dès la classe de 5e au collège Macodou Kangué Sall de Kébémer où il a été orienté après un brillant parcours à l’élémentaire. Pour revendiquer la construction de nouvelles salles de classes, l’adolescent turbulent paralyse le système éducatif de toute la ville en menant une grève restée dans les annales. Dame et sa bande avaient à l’époque fait sortir tous les élèves de la ville.S’ensuit un affrontement violent avec les gendarmes à la gare ferroviaire. Bilan : plusieurs blessés dont le meneur du mouvement Dame Mbodj himself. Recherché par les forces de l’ordre, il s’est retranché dans une maison où il a passé toute la journée. « Le fugitif est sorti de sa cachette tout ensanglanté », pour répondre à la convocation du préfet qui a organisé une réunion de crise pour arrondir les angles entre les élèves et l’administration.
« Avant que les discussions ne commencent, le Principal du Cem, voulant mettre fin à ce mouvement d’humeur, avait demandé au chef de l’exécutif départemental que Dame Mbodj ne prenne pas la parole. ‘’C’est Sergent le fou’’ (Sergent Keïta ou ‘Sarzan le fou’, personnage des contes d’Amadou Koumba de Birago Diop, Ndlr). Il risque de tout gâcher. Ses camarades appliquent à la lettre ses consignes», narre son demi-frère et camarade de classe Moussa Mbodj dans un article que l’Observateur avait consacré à Dame Mbodj en 2015.
‘’Sarzan (Sergent) le fou’’
Le surnom de «Sergent le fou» le poursuit depuis et colle à bien s’y méprendre à son caractère. «Lorsque nous faisions la classe de 3e, notre professeur de Mathématiques voulait improviser une évaluation portant sur une partie du programme non encore apprise, nous avons refusé et ‘’Sergent le fou’’ a porté la lutte. Subitement, il a sorti toute l’école. Le devoir n’a pas été fait, mais il a été traduit en conseil de discipline et exclu pour une semaine », raconte Moussa Mbodj. Une sanction qui ne l’empêchera point de décrocher son Bfem en 1989 et d’intégrer le lycée Malick Sall de Louga.
Les années passent mais ne réussissent point à altérer le caractère belliqueux de « Sergent le fou », ‘’shooté’’ à la ‘’drogue’’ du syndicalisme dans toute sa radicalité. Débarqué au département d’anglais de l’université Gaston Berger de Saint-Louis en 1993, Dame Mbodj, qui ne supportait pas la précarité des nouveaux étudiants due à un retard de paiement de bourse, n’a même pas pris le temps de s’acclimater avant de déclencher un « Nguenté Toubab » (manger sans débourser un sous).
« A 19H30, que tous les nouveaux étudiants viennent au resto sans ticket, nous allons manger sans débourser un rond », se rappelle-t-il dans l’Observateur. Le directeur du Crous se plie aux revendications des ‘’bleus’’. En effet, le lendemain, il a prêté des ‘’tickets resto’’ au collectif. Dame Mbodj passe pour un rebelle à coopter impérativement et intègre la commission sociale de l’Ugb. Avant de devenir porte-parole de ses camarades étudiants au niveau de l’assemblée de l’université. Studieux malgré sa témérité et son engagement syndical, il obtient sa maîtrise et embrasse une carrière d’enseignant en réussissant au concours d’entrée à l’école normale supérieure.
Excellent professeur d’anglais, Syndicaliste radical
Après quelques années à Oussouye comme professeur d’anglais, Dame est affecté au Lycée Limamoulaye de Guédiawaye. Fait inédit ! Le très rigoureux Proviseur de LimamouLaye de l’époque, Souleymane Diop (père du basketteur de la NBA, Ngagne Desagana Diop), celui qui a construit le mythe dont se targue aujourd’hui le lycée, confie à Dame Mbodj la responsabilité d’enseigner l’anglais à la classe pilote (la classe des meilleures élèves) de Terminale L1. Ce, pour ses compétences et son sérieux.
Hors des salles de classe, « Sergent le fou » fait montre de la même hargne dans la défense des acquis syndicaux des enseignants. En fait, à l’image de l’élève qu’il fût, Dame Mbodj se croit né pour diriger le mouvement syndical enseignant.
Membre fondateur du Saems en 2004, il quitte avec Abdoulaye Ndoye et d’autres, suite à la nomination de Mbaye Fall Lèye au Conseil économique, pour rejoindre Mamadou Mbodj (futur M23) afin de fonder le Cusems.
En 2013, suite au départ de Mamadou Mbodj, l’ancien chargé des revendications du Cusems affronte Abdoulaye Ndoye. Le syndicat sort du congrès avec deux têtes. L’affaire finit en justice et les comptes du Cusems sont bloqués. Mais après les élections de représentativité syndicale chez les enseignants en 2017, Abdoulaye Ndoye obtient 23,7% des voix alors que Dame Mbodj n’a eu que 1,9% des suffrages. Il sera également débouté sur le plan judiciaire. Il crée alors le Cusems/Authentique.
Mais puisqu’il doit toujours diriger, il parvient à devenir le coordonnateur de la Feder qui regroupait les syndicats non représentatifs. A la fin de son mandat, il quitte et quelques temps après, il réussit à devenir le leader du G20, un autre cadre syndical.
Partout Dame Mbodj se révèle un redoutable détracteur de l’ancien ministre de l’Education nationale, Serigne Mbaye Thiam qu’il ne cesse de critiquer. La dernière attaque contre l’actuel ministre de l’Eau remonte à la disparition de Diary Sow. Il l’accusait d’avoir politisé la réussite de l’ancienne Miss Science.
Le nouveau ministre de l’Education nationale, Mamadou Talla, lui aussi, en prend pour son grade notamment s’agissant des résultats de la session 2020 du baccalauréat que Dame Mbodj qualifie d’examen « au rabais » dont le seul objectif était de valider une année ‘’Covidée’’ et « invalide ».
A la fin de son mandat au G20, il est remplacé. Depuis lors, il se présente comme SG du Cusems/A, au point d’agacer ses anciens camarades. « Dans le G20, on l’accuse de vouloir faire de l’ombre au nouveau coordonnateur Mamadou Mbaye Tamba », indique une source.
Peu importe, Dame a besoin de visibilité. En février dernier, il glisse vers la société civile avec la Coalition citoyenne le peuple lancé avec Clédor Sène, l’activiste Karim Guèye…
Une carrière ratée d’arbitre
Hors du domaine de l’éducation, Dame Mbodj était un passionné de football. Même si, pied carré, le latéral gauche de l’Asc Thiossane n’était bon que pour ‘’le sale boulot’’, avec des duels plus proches de Tekken (série de jeux vidéo de combat en 3D) que de Fifa. Reconverti dans l’arbitrage, il signe son divorce avec le cuire après un drame.
« Dame a obtenu ses diplômes d’arbitre. Il pouvait devenir arbitre international, mais depuis la mort de son ami Pape Samba Diop (il avait chuté d’une 4X4), il a tout arrêté», narre un de ses proches dans l’Observateur.
Aujourd’hui, « Sergent le fou » focalise toute cette énergie dans un combat d’une autre nature, celui de la justice et de la démocratie. Et les arrestations n’y changeront rien !
SENEWEB