Une embarcation avec 14 corps « en état de décomposition avancée » à été découverte près des côtes de la République dominicaine, dans la mer des Caraïbes. Selon les premiers éléments retrouvés à bord, dont des documents d’identité mauritaniens et sénégalais, la pirogue avait pris la route des Canaries avant de dériver de l’autre côté de l’Atlantique.

C’est un drame migratoire qui s’est joué à près de 6 000 kilomètres de son point d’arrivée programmé. Mardi 6 août, une pirogue avec 14 cadavres a été retrouvée au large de la République dominicaine, en mer des Caraïbes. Sur des photos diffusées dans la presse, on peut voir des blouses mortuaires blanches alignées sur une plage de Río San Juan, dans le nord du pays, aux côtés d’une pirogue en bois blanche, rouge et bleue.

L’embarcation à la dérive a d’abord été repérée par un pêcheur à une trentaine de km de la côte, qui a prévenu les secours. Sur place, les sauveteurs découvrent les corps en « état de décomposition avancée », à l’état de squelettes, comme le montrent des photos publiées par la presse locale. Tous sont actuellement en cours de transfert à l’Institut national scientifique (INACIF) pour y être identifiés.

D’après le représentant de la Défense civile de la province d’Espaillat, Víctor Alfonso Vázquez, les documents d’identité retrouvés à bord appartiennent à des ressortissants de la Mauritanie et du Sénégal, âgés de 24 à 33 ans. Des téléphones portables et objets personnels ont également été découverts, ainsi qu’un sac à dos « contenant des paquets d’une substance proche de la cocaïne ou de l’héroïne ». Saisis, ils ont été « remis à la Direction nationale de contrôle des drogues (DNCD) pour analyses », précise la Marine nationale dans un communiqué.

La République dominicaine se trouve de l'autre côté de l'océan Atlantique. Crédit : Google Maps
La République dominicaine se trouve de l’autre côté de l’océan Atlantique. Crédit : Google Maps

Pour Helena Maleno, présidente de l’association Caminando Fronteras, l’origine des passagers atteste bien de la destination initiale qu’ils avaient envisagé : les îles Canaries, « la route migratoire la plus dangereuse au monde », s’insurge-t-elle sur X. Outre les documents d’identité retrouvés, ce sont les caractéristiques de l’embarcation – une pirogue en bois typique de l’Afrique de l’Ouest – qui penchent le plus pour cette hypothèse. Dans son communiqué, la Marine dominicaine décrit un « navire d’origine et de fabrication inconnues » dans la région.

Elle a par ailleurs indiqué « poursuivre l’enquête sur cette découverte en collaboration avec le Ministère public pour déterminer les causes et l’origine de cette tragédie maritime d’origine étrangère ».

Cette route des Canaries est particulièrement meurtrière. Si par malheur, une embarcation dévie trop de sa trajectoire initiale le long des côtes africaines – à cause des forts courants marins – et se retrouve au large, c’est la mort assurée. Dans l’immensité de l’océan Atlantique, les pirogues n’ont presqu’aucune chance d’être retrouvées. Les passagers sont condamnés à mourir de soif et de faim.

Morts de faim et de soif

Ce n’est pas la première fois qu’une embarcation destinée à rejoindre les Canaries, à l’ouest du Maroc, est retrouvée de l’autre côté de l’Atlantique. Mi-avril, neuf corps de migrants ont été retrouvés par des pêcheurs au large du Brésil à environ 6 000 km là aussi des côtes africaines. La pirogue avait pris la mer depuis les côtes mauritaniennes avec une vingtaine de passagers. Aucun d’eux n’a été retrouvé.

Capture d'écran du canot blanc (et bleu à l'intérieur) retrouvé au large de l'État du Para, au Brésil avec 9 corps de migrants africains à l'intérieur.
Capture d’écran du canot blanc (et bleu à l’intérieur) retrouvé au large de l’État du Para, au Brésil avec 9 corps de migrants africains à l’intérieur.

« Nous avons retrouvé des documents indiquant que l’embarcation est partie de Mauritanie […]. Sans aucun doute, le bateau est resté à la dérive pendant une longue période », avait indiqué à l’époque José Roberto Peres, chef de la police fédérale du Pará, où avait été découverte l’embarcation.

Cette sommaire barque en bois de 13 mètres de long ne possédait ni moteur, ni voile, ni gouvernail. L’hypothèse la plus probable est donc que le bateau se soit fait emporter par un courant marin qui l’aurait dévié de son itinéraire. Les passagers seraient ensuite progressivement morts de soif.

Des naufrages en nombre

Ces candidats à l’exil qui risquent leur vie en mer fuient la pauvreté, le chômage ou l’absence de perspectives dans leurs pays. Ils embarquent clandestinement depuis la Mauritanie, le Sénégal ou la Gambie moyennant finances sur des pirogues ou des embarcations précaires, complètement inadaptées à de telles traversées. Conséquence, sur la route des Canaries, les naufrages sont fréquents. Début juillet, les corps de 89 personnes ont été retrouvés dans un grand bateau de pêche traditionnel au large de la Mauritanie.

Mi-juin, les sauveteurs espagnols ont retrouvé six cadavres dans un canot à 800 km au large de l’île canarienne de Tenerife. Plus de 80 personnes sont toujours portées disparues après cette découverte. Le canot surchargé avait quitté Nouakchott, en Mauritanie, le 30 mai dernier.

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