Poursuivis respectivement pour détournement de deniers publics et enrichissement illicite, Khalifa Sall et Karim Wade ont été condamnés, anéantissement ainsi tout espoir pour eux de se présenter à l’élection présidentielle de 2019. Quid pour 2024? Lors du dernier conseil des ministres, le président Macky Sall a émis son souhait de voir son ministre de la justice travailler sur les mécanismes aboutissant à réintégrer Khalifa et Karim dans le jeu politique. Mais sous quelles formes et à quel prix ?
En début février 2019, la cour de justice de la CEDEAO s’est déclarée compétente pour connaître des affaires de violation des droits de l’homme déposées par deux présidents aspirants aux élections présidentielles de la même année. Sur ces deux affaires, la décision de la cour de justice de la CEDEAO et celle du comité des Nations Unies sur les droits de l’homme ont abouti au fait que quel que soit la noblesse d’un principe comme la redevabilité, la procédure pénale doit tout de même respecter les droits de la défense.
Aujourd’hui, le président Macky Sall est donc prêt à ouvrir le jeu politique.
En effet, l’amnistie a l’avantage qu’elle donne l’impression d’être dans une sorte de fiction juridique. En d’autres termes, il faudra considérer, selon Me Assane Dioma Ndiaye qui, à ce sujet, s’est confié à Dakaractu, que les faits n’ont jamais existé. En réalité, quand on amnistie, on est dans une optique d’effacement des faits et cela peut être considéré comme une option qui fait dire à l’homme politique que son image, dans cette situation, ne sera pas bonne au regard de son aspiration à diriger le pays.
La procédure de révision de procès est possible devant la cour suprême. Une procédure qui peut être d’ailleurs, très complexe. En effet, cela voudrait simplement dire que tout ce qui a été reproché à Khalifa ou Karim Wade, n’avait pas respecté les règles et lois protégeant leurs droits. Mais pour l’ancien président de la ligue sénégalaise des droits humains, de toute évidence, « la procédure la plus pragmatique, semble être l’amnistie ».
Il reste toutefois, sur le plan technique, comment faire avec une amnistie, qui est supposée viser des faits, pour qu’elle puisse se limiter seulement à deux personnes. C’est en réalité, cette grande difficulté de voir, comment articuler dans une loi, des faits qui ne concernent que Khalifa et Karim Wade. Cela demande toutefois une grande réflexion.
Seydi Gassama, d’Amnesty International abonde également dans ce sens. Il nous explique à cet effet, qu’en réalité, « la crainte est que l’amnistie puisse profiter à des personnes qui n’ont pas encore été jugées et condamnées comme celles qui le sont déjà. D’où l’encouragement de l’impunité chez certaines personnes », s’interroge-t-il dans cette phase qu’il partage d’ailleurs avec Me Doudou Ndoye, qui l’a même soutenu dans un média de la place.
Concernant la loi électorale, qui est aussi, une autre option, la possibilité d’amnistie semble être réduite et viserait plus la participation stricte à une élection, d’où l’éligibilité. Après les réformes intervenues sur le code électoral au niveau des articles 31 et 32, l’impossibilité d’inscription sur les listes électorales pour Khalifa et Karim Wade avait été actée. En revenant au système antérieur, la seule question qui serait réglée, est celle de l’éligibilité. Ce qui ne résout pas totalement la préoccupation du respect des droits humains. Ce n’est pas seulement des perspectives politiques dont il s’agit, mais plutôt de violation fondamentale des droits de la personne.
Dans la perspective des prochains rendez-vous électoraux et dans le souci d’apaisement du climat politique, il faut tendre vers une amnistie qui jette les bases d’un renforcement de l’État de droit et non « une loi d’amnistie taillée sur mesure».