Le Théâtre national Daniel Sorano va abriter vendredi, à 20 heures, la grande première de la pièce « Raabi », une pièce dont l’ambition est de mettre « les drames silencieux » dont les femmes sont victimes dans les maisons, a-t-on appris de son en scène Mamadou Seyba Traoré.
« Raabi, c’est le destin de la femme qui est décrit. Elle n’est que l’instrument du destin », a-t-il dit au sujet de cette pièce de théâtre adaptée du roman « La malédiction de Raabi » (NEI-2011) du colonel Momar Guèye.
« Je soupçonne le colonel de l’avoir choisi rien que pour livrer un message », a-t-il dit lundi lors d’une séance de répétition à laquelle plusieurs journalistes étaient conviés.
Le metteur en scène dit avoir misé sur des comédiens choisis pour leur « talent » pour jouer cette pièce à partir d’une représentation « beaucoup plus symbolique que réelle ».
L’intrigue de cette pièce épouse les contours du roman avec les mêmes lieux Niodior (dans les îles du Saloum), Saint-Louis (au nord) et Dakar la capitale. Les patronymes des personnages du livre sont également reconduits.
Selon le metteur en scène, l’histoire racontée par cette pièce a été séquencée en trois visions : la prédiction, les épreuves et la mort.
Le jeu d’acteur, qui se veut maitrisé, porte toute l’émotion dramatique de la pièce en se basant sur « un décor symbolique » à partir des lieux multiples suggérés.
La pièce pointe du doigt tous les maux de la société à travers la trajectoire de Raabi, issue d’une famille polygame, violée dans son jeune âge par « un tonton flingueur, mariée de force à un cousin débile, seule la fuite lui permettait d’échapper à cette souffrance. Mais le pire adviendra ».
« Raabi représente ces drames silencieux qui se passent dans les maisons et l’accumulation de tous les maux qui gangrènent la société depuis les tensions dans les foyers polygames. (…) », explique Mamadou Seyba Traoré.
Il s’indigne de l’attitude de la famille de Raabi, plus préoccupée par la volonté de préserver son « honneur » que de marquer sa solidarité à l’égard de la jeune fille abusée, violée.
« Ce qui importe, ce n’est pas sa fille qui a été violée, mais ce maquillage que nous avons l’habitude de faire dans nos relations entre nous, cacher cela sous le drap comme si l’honneur d’un violeur est plus important que le vie d’une jeune fille », dénonce Seyba Traoré.
Il considère que cette séquence est « la plus représentative » de la société sénégalaise, cette pièce décrivant selon lui une réalité quotidienne au Sénégal, « mais malheureusement souvent enveloppée dans le drap de la pudeur ».
« C’est un électrochoc de la société sénégalaise, de tous les sociétés », ajoute-t-il.
La pièce « Raabi » a l’avantage de compter sur des comédiens connus pour leur talent sur scène, dont Adjiara Fall et Ibrahima Mbaye Thié, des pensionnaires du Théâtre national Daniel Sorano.
Il y a aussi Yacine Sané et Anne Marie D’Olivera, des comédiennes venues de troupes privées, sans compter la participation d’élèves de l’Ecole nationale des arts.
L’auteur du roman, le colonel Momar Guèye, estime que la quintessence du roman a été prise en compte dans la pièce, se disant satisfait de ce qui a été présenté lors de la séance de répétition.
« Le souci était de mettre en évidence les erreurs et les abus gravissimes de notre société », dit-il.
Le roman préfacé par la célèbre écrivaine Aminata Sow Fall, qui voit dans cette pièce un plaidoyer contre les mauvais traitements faits aux femmes. Elle rejoint en cela l’avis du critique Alioune Badara Diané, pour qui le roman du colonel Guèye est « une radioscopie de la société sénégalaise ».
Le directeur de la troupe dramatique de Sorano Sékou Dramé espère que cette pièce sera présentée dans les autres régions du Sénégal, après Dakar.