Le limogeage d’Abdoulaye Diouf Sarr de son poste deministre de la Santé et de l’Action sociale vient porter un coup très dur à la carrière politique d’une grande figure de la majorité. L’ancien maire de Yoff, affaibli par ses deux revers électoraux à Yoff et à Dakar, apparaissait de plus en plus comme un boulet de l’action gouvernementale, au regard des nombreuses crises qui ont secoué le secteur de la santé, depuis plusieurs années.
C’ est une disgrâce qui en a surpris plus d’un dans le Macky. La chute de l’ex ministre de la Santé et de l’Action sociale a sonné comme coup de tonnerre dans l’univers politique sénégalais. Abdoulaye Diouf Sarr, qui apparaissait comme un personnage incontournable du régime de Macky Sall dont il a occupé différents portefeuilles : Gouvernance locale et Développement et de l’Aménagement du territoire (2014), Transports aériens et Tourisme (2015) et Santé et Action Sociale (2017), a été démis de ses fonctions, avant-hier, dans la foulée du drame survenu à l’hôpital de Tivaouane dans la nuit du mercredi à jeudi.
L’ancien maire de Yoff s’est toujours présenté comme fervent défenseur de Macky Sall qu’il considère comme son mentor. Depuis que ce dernier lui a mis le pied à l’étrier à la Direction du Coud, en 2012, la trajectoire de cet expert financier et économiste de formation s’est faite sous l’ombre tutélaire du chef de l’Etat qui l’a placé à la tête du ministère de la Santé, en 2017, en remplacement d’Eva Marie Coll Seck.
Dernièrement, sa gestion de la pandémie de la COVID-19, la construction de nouveaux hôpitaux (Kaffrine, Kédougou, Agnam, Touba, Sédhiou…), le lancement de la campagne de vaccination anti-COVID, ainsi que les perspectives d’un vaccin anti-COVID “made In Sénégal” en 2022 l’ont mis sous le feu des projecteurs.
La déchéance d’un futur premier-ministrable sur fond de crise hospitalière
La bonne tournure de la lutte contre le Coronavirus a poussé certains de ses partisans à voir en lui le meilleur ministre de la Santé d’Afrique, au vu des résultats du Sénégal dans la gestion de cette crise. Mieux, beaucoup de responsables de la majorité voyaient en lui un potentiel Premier ministre, avec le retour du poste de chef de gouvernement.
Mais, l’ancien maire de Yoff a toujours mis en avant les orientations et les conseils de son mentor le Président Macky Sall. Une posture qui semblait le prémunir contre toutes formes d’attaques de la part de ses camarades de l’APR. En somme, le candidat idéal aux yeux de beaucoup de responsables du régime. Contrairement à ses rivaux Amadou Ba ou Aminata Touré dont les ambitions inquiètent le premier cercle autour de Macky Sall.
Mieux, ce responsable des cadres de l’APR et fidèle du Président Macky Sall a toujours fait montre de loyauté, au sein des rangs de la mouvance présidentielle. Son “coup de Trafalgar”, pour tenter de désarçonner le mouvement Taxawu Ndakaru, lors de la l’élection du HCCT dans la région de Dakar en septembre 2016, a forcé l’admiration de beaucoup barons du “Macky”.
Toutefois, la multiplication des scandales dans le milieu hospitalier : Décès de Sokhna Astou à Louga, l’incendie d’une maternité à Linguère, ainsi que la tragédie récente à l’hôpital de Kaolack sont venus obscurcir le destin politique de l’ancien maire de Yoff, de plus en plus sous le feu des critiques de l’opinion publique et de l’opposition.
Par ailleurs, la détérioration du climat social dans le secteur de la santé (grèves, journée sans soins…) est venue ternir un peu plus cette image de monsieur “Efficacité”. Sur le plan politique, Abdoulaye Diouf Sarr, qui s’est forgé une réputation de baron de la majorité présidentielle, a subi la déferlante de YAW dans son bastion à Yoff, avec l’élection du jeune néophyte en politique Seydina Issa Laye, avant de s’incliner lourdement au poste de mairie de Dakar.
Une situation qui l’a fragilisé politiquement pouvant même pousser certains militants à remettre en cause sa “légitimité politique” et sa place sur la liste nationale de Benno pour les législatives.
Incertitudes sur l’avenir politique de Diouf Sar
Pour Momar Dieng, analyste politique, ce limogeage était devenu incontournable, au regard du retentissement mondial qu’a eu la mort des 11 bébés à l’hôpital de Tivaouane.
“Il faut voir que Diouf Sarr a accumulé beaucoup de casseroles dans le secteur de la santé qu’il dirige depuis 5 ans. Politiquement, il était aussi affaibli, à la suite de la défaite à Dakar et d’une certaine manière, il devenait un boulet pour le président plus qu’un atout. Et personne n’aurait compris qu’il puisse être maintenu à son poste, en raison de tous ces éléments”, déclare l’ancien chef de la rédaction d’EnQuête qui semble plutôt sceptique sur l’avenir politique de l’ex ministre de la Santé qui demeure toujours une ponte du régime de Macky Sall.
“Les élections législatives sont dans peu temps et Macky Sall a l’habitude de recycler les membres de son entourage politique. Mais pour le moment, Diouf Sarr va faire le dos rond et il lui sera difficile de rebondir dans un nouvel attelage gouvernemental. Il est complètement discrédité, depuis cette affaire. Il aurait pu devenir un Premier ministre politique, s’il avait remporté des succès électoraux à Yoff et Dakar, mais au vu de ses échecs lors des locales, il lui très difficile de revenir au premier plan sur la scène politique national”, conclut-il.
EnQuete