La longue bataille juridique entre l’opérateur économique sénégalais Bocar Samba Dièye et la banque Attijari (ex-CBAO) connaît un rebondissement majeur. Le parquet national financier a ordonné l’ouverture d’une enquête, à la suite d’un rapport d’expertise accablant réalisé par le cabinet Finexo, sur instruction de la Cour d’appel de Dakar. Ce rapport met en lumière des pratiques bancaires douteuses, susceptibles de constituer une vaste escroquerie.
Des créances fictives et des expropriations injustifiées
Le rapport de 62 pages, obtenu par Libération, dévoile que la créance invoquée par Attijari pour justifier la saisie de trois immeubles appartenant à Bocar Samba Dièye est inexistante. Pire, la banque est accusée d’avoir pratiqué l’anatocisme, une méthode illégale de capitalisation des intérêts, et d’avoir manipulé ses écritures comptables pour créer des créances fictives.
Selon l’expert, « la CBAO n’a pas été en mesure de communiquer la convention de compte courant régissant les rapports entre les parties », un manquement grave qui aurait permis à la banque de générer des frais abusifs. Ces agios, cumulés sur plus de 60 ans de découvert chronique, ont atteint 2,006 milliards de francs CFA.
Des documents frauduleux en question
Parmi les anomalies relevées, figure une traite de 5,65 milliards de francs CFA que la banque prétendait être avalisée par Bocar Samba Dièye. Cependant, l’expertise révèle que cette traite ne comportait pas la clause « bon pour aval », signée par l’entrepreneur. Ce détail crucial pourrait soutenir les accusations d’escroquerie.
Le recalcul des soldes par le cabinet Finexo montre qu’au lieu d’être débiteur, Bocar Samba Dièye bénéficie d’un solde créditeur de 879 millions de francs CFA. Une révélation qui remet en cause les saisies immobilières opérées par Attijari.
Pratiques bancaires abusives détaillées
Le rapport dénonce plusieurs pratiques contraires aux normes :
- Anatocisme : La capitalisation illégale des intérêts a généré 388 millions de francs CFA de frais injustifiés.
- Agios excessifs : Le maintien prolongé en découvert a entraîné des frais abusifs de 2 milliards de francs CFA.
- Protocole inexistant : L’absence de convention formelle régissant les relations entre la banque et le client fragilise la légalité des créances.
Un tournant pour l’opérateur économique
Ces nouvelles preuves offrent une lueur d’espoir à Bocar Samba Dièye, qui, après des années de litiges, accuse la banque et son directeur général de recel d’immeubles. Selon les conclusions de l’expert, les trois biens expropriés ont été indûment adjugés à Attijari.
Vers des réformes bancaires ?
Si les accusations sont confirmées, cette affaire pourrait ébranler le système bancaire sénégalais. Les pratiques dénoncées, telles que l’anatocisme et la manipulation comptable, pourraient pousser à une réforme des mécanismes de contrôle bancaire.
Pour Bocar Samba Dièye, victime d’une « escroquerie en bande organisée », la justice pourrait enfin tourner en sa faveur. En attendant, Attijari fait face à des accusations de plus en plus difficilement réfutables.
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