De Touba à Tivaouane, les communautés religieuses grondantes, exigeant des sanctions contre le directeur des Moyens généraux de la présidence après de récentes sorties polémiques. Diomaye se trouve confronté à un dilemme : le maintenir ou le limoger ?
De Touba à Tivaouane, la colère gronde pour dénoncer les propos de Cheikh Oumar Diagne, qui ont passablement agacé les responsables de ces familles religieuses. Pour le chef de l’Etat, c’est une nouvelle affaire qui va davantage perturber son quotidien rythmé ces dernières heures par le bras de fer avec l’Assemblée et le dossier des Cheikh Dieng et Dièye sur l’Onas. Un dossier radioactif.
Il y a une succession d’évènements qui polluent l’air à la présidence. Jusqu’ici, l’Exécutif se démène pour sortir de la crise politico-institutionnelle avec le pouvoir législatif, mais il vient de se coltiner un autre dossier chaud produit par des déclarations du ministre-conseiller, directeur des Moyens généraux de la Présidence. Personnage controversé, auteur de déclarations fracassantes, Cheikh Oumar Diagne est pris dans une affaire qui met le Palais dans une situation embarrassante. Bien sûr, la polémique, née de la prise en charge des hôtes de Touba, est une minuscule affaire comparée aux secousses provoquées par ses propos sur les foyers religieux, sur les rois du Maroc. De Touba à Tivaouane, les voix se lèvent pour condamner les propos «d’une extrême gravité contre la stabilité nationale» tenus par M. Diagne.
Serigne Kosso Mbacké, fils aîné du Khalife général des Mourides, rappelle que COD n’en est pas à son premier coup d’essai. «On ne peut pas imputer la responsabilité des agissements de Cheikh Oumar Diagne au président de la République Bassirou Diomaye Faye et au Premier ministre Ousmane Sonko, qui ont un énorme respect et de la considération à l’égard des familles religieuses du Sénégal. Mais nous interpellerons toutes les autorités étatiques et judiciaires sur la gravité des faits», déclare Serigne Kosso. Il poursuit : «Il a clairement dit que tous les chefs religieux sont des voleurs, et que le Magal et le Gamou sont des moments propices au vol et au blanchiment d’argent. Des déclarations de ce type peuvent être des sources de troubles à l’ordre public. Il est temps pour ce monsieur de se rétracter de ses propos. Ces déclarations sont graves et peuvent brûler ce pays. J’en appelle au sens de la responsabilité de ceux pour qui il travaille.» Pour le guide religieux, la Justice doit s’autosaisir, tout comme ceux qui ont en charge de veiller à la stabilité de ce pays. «Maintenons ce pays dans la sérénité. Protégeons la stabilité et agissons dans le sens de ne créer aucune forme de trouble ! Les tenants du pouvoir ne doivent pas rester insensibles. Ils doivent réagir.»
Plainte et marche
A Tivaouane, Serigne Moustapha Sy Al Amine ne cache pas sa colère. Il dit : «Ces temps-ci il y a quelqu’un qui travaille avec le chef de l’Etat, je ne veux pas prononcer son nom, mais les gens le reconnaîtront. Il a dit que El Hadji Malick, avec toutes ses connaissances islamiques, mérite aujourd’hui d’être rectifié dans ses écrits, avec un ton indiscipliné. Cette déclaration est une provocation venant d’un collaborateur du chef de l’Etat. Il se pavane partout pour parler avec indiscipline.» Pour Serigne Mansour Sy Djamil, la meilleure réponse sera la belle réussite de l’organisation du prochain Gamou. «Et que la belle parade de la jeunesse tidiane puisse montrer à suffisance que Mame El Hadj Malick Sy occupe une place centrale dans le cœur des talibés», dit-il en substance.
Aujourd’hui, il y a une exacerbation de la colère religieuse qui a du mal à supporter l’aversion dont fait montre Cheikh Oumar Diagne à leur endroit. Serigne Modou Mbacké Bara Dolly et compagnie, regroupés au sein de la Convergence Taxawu Ndonoy mag gni, ont déjà déposé une plainte sur la table du Procureur de Dakar contre lui et prévoient une marche ce vendredi à la Mosquée Massalikoul Jinane, après avoir une lancé une pétition pour son limogeage de son poste à la présidence. Et les signatures explosent au niveau de la toile.
Peut-il rester à la présidence ?
Cette colère interne est doublée du silence diplomatique, mais plein de risques de Rabat dont les souverains n’ont pas été épargnés dans sa dernière sortie. Officiellement, le Maroc n’a fait aucun commentaire sur la sortie de Cheikh Oumar, qui risque de créer un gros malaise entre les deux pays liés par une coopération économique forte. Une proximité religieuse avec la Tidianiya dont le berceau se trouve à Fez, qui attire tout le temps des millions de pèlerins sénégalais.
Aujourd’hui, cette affaire est un caillou dans la chaussure du chef de l’Etat. Sans doute, il aurait voulu se passer d’une telle affaire alors qu’il tente de démêler la crise institutionnelle avec l’Assemblée nationale. Peut-il encore garder le directeur des Moyens généraux de la présidence avec lui ?